« Attirer de nouveaux publics vers la Haute Horlogerie »

Quel regard portez-vous sur la Haute Horlogerie en 2019 ?

La Haute Horlogerie est bien sortie de sa crise sectorielle de 2015-2016 et a retrouvé un niveau de performance proche des autres marchés du luxe. La transformation de l’industrie s’accélère. Nous constatons ainsi une certaine concentration des différents acteurs de la distribution et des investissements dans l’expérience au niveau du point de vente. Du côté de la distribution digitale également, il y a du mouvement et un gros potentiel à exploiter. Si le e-commerce ne constitue aujourd’hui qu’une part anecdotique des ventes horlogères, il contribue à élargir le spectre des amateurs de Haute Horlogerie. Bientôt, 100 % de l’expérience client commencera en ligne. Enfin, sur les trois dernières années, nous avons assisté à un véritable changement de génération à la tête de nombreuses grandes Manufactures horlogères qui a contribué à dynamiser le secteur.

Et du côté des clients ?

On observe de nouveaux comportements. Bien sûr, les logiques traditionnelles d’achat existent toujours : des personnes qui recherchent des achats pérennes, qui gardent de la valeur dans le temps, des montres qu’ils pourront léguer à leurs enfants dans 20 ou 30 ans… Mais les attentes ont évolué, en particulier avec le rajeunissement des clients, qui se traduit par une évolution des goûts. Auparavant, les amateurs privilégiaient une esthétique traditionnelle, des modèles classiques, fins, sobres. C’était particulièrement le cas en Chine. Aujourd’hui, les goûts se modernisent, évoluent vers des produits au design souvent plus sportif et, surtout, plus expressif, qui racontent une véritable histoire. Bref, des montres qui permettent d’affirmer sa personnalité, de la même manière qu’une sneaker haut de gamme ou qu’une voiture de luxe. C’est une formidable opportunité pour notre secteur. On peut avoir une montre intemporelle et d’une qualité extrême mais expressive. Je suis convaincu qu’on peut ressentir la même émotion en faisant l’acquisition d’une montre de Haute Horlogerie qu’en achetant une pièce de Mode ou de Maroquinerie, par exemple. Il faut rendre l’achat d’une pièce horlogère moins intimidant… et plus fréquent !

Comment parvenez-vous, chez Ulysse Nardin et Girard-Perregaux, à concilier tradition et émotion ?

Nous devons nous positionner dans la continuité d’une histoire riche. Tant Girard-Perregaux qu’Ulysse Nardin ont plus de 170 ans d’histoire. Il faut respecter cette tradition, notamment dans la qualité des matériaux et de la fabrication. Chacune des deux Manufactures a également l’obligation de rester innovante dans la conception de ses produits, ainsi que dans l’expérience et le discours qu’elle propose. Il faut inventer de nouvelles esthétiques pour susciter le désir – le cas de Gucci, qui a suivi cette logique avec le succès qu’on connait, est un bon modèle à suivre… La Freak X, qu’Ulysse Nardin présente à l’occasion du SIHH, illustre bien cette volonté. En 2019, la Manufacture va élargir encore la gamme Freak, avec des designs osés, très contemporains, pour attirer vers l’horlogerie de nouvelles populations, et plus particulièrement les millennials. Chez Girard-Perregaux, la Laureato Absolute s’inscrit dans le même mouvement, la même volonté de déployer une esthétique plus affirmée. Ces deux produits sont néanmoins, je n’en doute pas, des montres dont nos prédécesseurs dans chacune des Maisons seraient fiers.

Qu’attendez-vous du SIHH 2019 ?

Le salon est l’occasion d’exposer les thèmes que nous développerons durant toute l’année 2019, ces récits inscrits dans l’histoire de chacune de nos Maisons. Girard-Perregaux a axé sa communication sur la dichotomie entre la Terre et le Ciel, tandis qu’Ulysse Nardin invoque la notion de « Désordre », ou plutôt de tension sur les aspérités de la marque. À travers les nouveautés présentées cette année, la configuration des espaces, les histoires que chaque Maison va raconter, il s’agit de marquer les esprits, de partager un enthousiasme, de séduire. L’objectif est de susciter de la surprise et de l’excitation auprès de nos partenaires comme des journalistes spécialisés. Sur son espace, Ulysse Nardin assume totalement ce positionnement disruptif avec la cage de requin suspendue au plafond et une exposition avec le maître de l’art érotique Manara, avec qui la Maison a conclu un partenariat exclusif. Un autre moyen d’affirmer la modernité et la liberté de ton de la Manufacture.