Ulysse Nardin : la tradition de l'innovation

Comment faire de l’innovation un facteur de différenciation et de succès ? Zoom sur l’approche d’Ulysse Nardin, la Manufacture de Haute Horlogerie entrée dans le giron du groupe Kering en 2014, avec son CEO, Patrick Pruniaux.

Patrick Pruniaux

L’innovation, du concept à la pratique

« Dans l’environnement ultra-concurrentiel de la Haute Horlogerie, notre caractère pionnier est l’une de nos plus grandes forces. Il nous permet de développer notre propre clientèle ». Pour Patrick Pruniaux, CEO d’Ulysse Nardin, l’innovation est un facteur essentiel pour augmenter la visibilité et la reconnaissance internationale de la Manufacture suisse. Entré dans le groupe Kering en 2014, Ulysse Nardin n’a cessé de multiplier les innovations pour améliorer ses modèles. Une démarche qui s’est notamment matérialisée par le développement de l’Innovision 2, une « montre concept » regroupant dix innovations majeures, présentée à l’édition 2017 du Salon International de la Haute Horlogerie de Genève (SIHH). Parmi les innovations dévoilées l’année dernière, le « Grinder » a certainement été la plus remarquée. Ce remontage automatique audacieux permet deux fois plus de rendement énergétique lors du mouvement de poignet pour remonter la montre. Pour cette édition 2018 du SIHH, on le retrouve ainsi pour la première fois dans l’emblématique collection « Freak », qui depuis 2001, au fil de ses modèles revisités, allie les dernières innovations techniques de la marque à une identité esthétique forte, inspirée de l’univers marin. Une collection qui a vocation à devenir une icône dans le monde horloger.

« Ici, l’innovation est tirée par la recherche de la performance. Il ne s’agit jamais d’imaginer de nouveaux gadgets ou un enrobage marketing. L’Innovision 2 a été conçue pour enrichir les fonctionnalités de nos modèles », explique Patrick Pruniaux. La marque Ulysse Nardin a dans son ADN une authenticité et une honnêteté dans son rapport à l’innovation qui est rare dans le monde horloger, et c’est un atout majeur. Du concept à la réalité commerciale, il aura fallu seulement dix mois pour que la gamme Freak intègre le « Grinder » dans son modèle Freak Vision, mais aussi l’affichage de l’heure sur 24 heures au lieu de 12 ainsi que les aiguilles des minutes en verre. Parmi les autres innovations présentées dans l’Innovision 2 et qui seront intégrées à d’autres modèles par la suite : un échappement dual constant, un soudage direct du silicium avec la DRIE (Deep Reaction Ion Etching – gravure ionique réactive profonde), un balancier en silicium, un pont également en silicium revêtu de saphir, des roues en or 24K (généralement en laiton), des ponts de verre avec systèmes antichocs intégrés pour le balancier et un canal intégré au pont de balancier en verre rempli de Super-LumiNova. « Ces innovations vont être intégrées au fur et à mesure dans nos collections », précise l’ancien d’Apple et de LVMH.

L’innovation dans les gènes

Si, aujourd’hui, l’innovation est un discours à la mode, pour Ulysse Nardin, c’est une question de culture et d’histoire. Monsieur Ulysse Nardin, fondateur de la marque en 1846, était un pionnier en chronométrie. Utilisés par les navires marchands et militaires pour déterminer précisément la longitude, ses chronomètres ont remporté de nombreuses récompenses. Après la crise du quartz des années 1980, qui affecte la plupart des acteurs de la Haute Horlogerie, c’est un autre entrepreneur visionnaire qui prend les commandes d’Ulysse Nardin, Rolf W. Schnyder, jusqu’en 2011. Avec Ludwig Oechslin, horloger et scientifique (toujours consultant pour la marque aujourd’hui), il a donné à la marque un élan nouveau, l’imposant comme un leader de l’horlogerie mécanique, grâce à des innovations techniques majeures. Ulysse Nardin s’est ainsi distingué comme la première manufacture horlogère du monde à mettre au point un échappement en silicium à deux roues. Cet « échappement Dual Direct » est devenu emblématique de la série de montres Freak – et l’utilisation du silicium pour des échappements a ensuite été repris par la majorité des marques de Haute Horlogerie.

Trouver l’équilibre

Pour stimuler constamment l’innovation, la Manufacture a affecté 15% de ses équipes au service Recherche & Développement, une proportion bien supérieure à la moyenne du secteur. « Nous misons sur l’agilité, l’esprit d’ouverture et l’inventivité technique de nos collaborateurs : chacun peut être force de proposition, comme dans une start-up ! », se réjouit Patrick Pruniaux.

Parmi ses priorités, Patrick Pruniaux compte bien faire rimer l’innovation et le « vrai luxe » : l’authenticité. C’est d’ailleurs cette valeur-refuge que recherchent prioritairement les collectionneurs de montres haut-de-gamme, qui, loin de chercher les applications d’une montre connectée, se pâment en revanche devant la précision d’un affichage. « Ce savant mélange entre savoir-faire historique et inventivité technique est le garant de l’authenticité d’une grande marque, à la fois vraiment innovante et toujours dans la tradition horlogère. Et très peu de produits sont aussi modernes qu’une montre Ulysse Nardin : un concentré de valeurs et d’histoire, une expression de notre personnalité qui est aussi un objet intime, sans dépendance à des sources d’énergie extérieures, c’est incroyablement contemporain », explique-t-il. Pour garantir ce côté artisanal, Ulysse Nardin axe d’ailleurs son recrutement sur la recherche de vrais « amoureux de l’horlogerie ». Stéphane Von Gunten, Responsable Laboratoire et Nouvelles Technologies et ancien de Patek Philippe, en est un bon exemple. Issu d’une famille d’horlogers, ce passionné cherche sans cesse à trouver le bon mix entre nouvelles technologies et respect de la tradition. « Nous ne sommes pas plus intelligents que nos ancêtres horlogers, mais nous bénéficions d’une meilleure caisse à outils. Tirons profit de ces nouvelles technologies en innovant, tout en préservant cette tradition empreinte d’élégance, prône Stéphane Von Gunten. Notre mission ? Toujours rester fidèle à l’ADN d’Ulysse Nardin: Marine, Précision, Innovation, Fiabilité et Amour de l’horlogerie ».

Patrick Pruniaux voit même l’innovation comme un levier d’authenticité : « Nous sommes les garants de cette tradition horlogère, ce qui ne nous empêche pas d’accélérer l’innovation ». Le douzième art du futur sera fidèle à ses racines.

 

Crédit photo : Kering