« Un enjeu qui concerne une femme sur trois »

La Fondation Kering lutte contre les violences faites aux femmes depuis dix ans cette année. À l’occasion de la campagne White Ribbon for Women 2018, la Déléguée générale Céline Bonnaire fait le point sur un engagement fondamental pour Kering.

Céline Bonnaire
Déléguée générale de la Fondation Kering

Pouvez-vous revenir sur la genèse de la Fondation Kering ?

La Fondation est née en 2008. Si le Groupe s’appelait encore PPR, il avait déjà entamé sa mue vers ce qui allait devenir Kering : un groupe de Luxe au rayonnement mondial. Menant une réflexion globale sur l’engagement philanthropique du Groupe, François-Henri Pinault souhaitait que Kering s’implique sur un sujet d’envergure internationale sur lequel le Groupe pourrait apporter une contribution significative, et qui soit en cohérence avec les valeurs d’une entreprise comptant 60 % de femmes parmi ses collaborateurs et 80 % de clientes parmi ses clients.

De l’aveu même de François-Henri Pinault, sa rencontre avec Salma Hayek a été déterminante. Engagée de longue date contre les violences faites aux femmes, elle a contribué à lui faire prendre conscience de l’ampleur d’un enjeu dramatique qui concerne une femme sur trois dans le monde. À l’époque, le sujet était d’ailleurs encore tabou. Dès lors, François-Henri Pinault a estimé que le Groupe pouvait et devait se positionner sur ce problème.

En dix ans, comment ont évolué les actions de la Fondation ?

Pendant les cinq premières années, la Fondation Kering a soutenu des initiatives très diverses dans le monde entier. Mais pour gagner en impact, le périmètre de nos interventions devait être concentré sur quelques zones géographiques prioritaires. En 2013, nous avons décidé de nous focaliser sur le soutien à un nombre limité de projets portés par des associations locales, afin d’assurer un soutien plus efficace, aussi bien en termes de financement que d’accompagnement.

Nous avons ainsi recentré notre action sur les trois zones dans lesquelles Kering et ses collaborateurs sont les plus présents : l’Amérique du Nord, l’Europe et l’Asie. À chaque fois, nous priorisons nos actions selon les approches et besoins locaux. En Chine continentale, nous nous sommes ainsi concentrés sur les violences conjugales, qui touchent plus d’une Chinoise sur quatre. En Europe de l’Ouest, nous ciblons les pratiques traditionnelles néfastes telles que l’excision – rien qu’en France, on estime que trois adolescentes sur dix dont les parents viennent de pays pratiquant l’excision sont menacées d’être excisées, à l’occasion d’un séjour à l’étranger le plus souvent. Au Mexique et aux États-Unis, nous avons constaté une prévalence particulièrement élevée des agressions sexuelles. Nous avons décidé de nous inspirer de ce qui avait été déjà expérimenté avec succès en Amérique Latine : engager directement les hommes dans la lutte et la prévention de ce type de violence.

Quelles sont vos autres actions ?

Un autre pilier des actions de la Fondation est de sensibiliser aux violences faites aux femmes. En interne, depuis 2011, nous avons conçu avec les associations nationales spécialistes des violences conjugales des sessions de formation pour nos collaborateurs, en France, en Italie, au Royaume-Uni et aux États-Unis. Il est de la responsabilité de l’entreprise de proposer un environnement de travail bienveillant pour les femmes victimes de violences.

En parallèle, nous avons initié des actions de sensibilisation à l’attention du grand public autour de la date du 25 novembre, la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes.

En 2012, Stella McCartney a redessiné le ruban blanc, ce symbole de l’engagement des hommes dans la lutte contre les violences faites aux femmes imaginé au Canada. Nous avons initialement créé un badge, qui a été distribué dans les boutiques de nos marques. Depuis deux ans, la campagne est uniquement digitale, soutenue par l’ensemble des marques du Groupe, ce qui lui donne une portée exceptionnelle.

Pourquoi avoir choisi le sujet du cyberharcèlement en 2018 ?

Pour faire disparaître les violences faites aux femmes, nous sommes convaincus qu’il faut faire de la prévention auprès des hommes, et ce, dès leur plus jeune âge. L’an dernier, avec la campagne #ICouldHaveBeen, nous avions ciblé la Génération Y, en mobilisant les designers emblématiques des Maisons de Kering, comme Alessandro Michele, le Directeur de la Création de Gucci. Cette année, avec #IDontSpeakHater, une campagne digitale internationale, nous invitons la Génération Z à s’emparer directement de la problématique du cyberharcèlement. Un sujet qui résonne doublement avec nos actions, car si ce phénomène fait 27 fois plus de victimes chez les femmes, il touche également les hommes. Cela fait écho à notre partenariat récent avec Promundo, une association américaine qui travaille justement depuis 20 ans à engager les jeunes hommes dans la lutte contre les violences faites aux femmes.

http://www.keringfoundation.org/fr

Photo : Copyright Jean-Luc Perreard