« Nos bijoux sont faits pour être portés »

Quel regard portez-vous sur la rénovation du 26, place Vendôme ? 

Je trouve que la rénovation a été menée avec beaucoup de respect. Il n’y a pas eu de volonté de tricher sur les volumes ou de moderniser artificiellement. Et si le bâtiment est ancien, la démarche est très moderne pour une Maison de Haute Joaillerie : le 26, place Vendôme est centré sur l’expérience, pas sur le statut. On ne s’y sent pas comme dans un lieu de vente, mais plutôt comme dans une maison de famille, avec une atmosphère très chaleureuse, qui met bien en valeur nos créations. C’est très cohérent avec la manière dont nous concevons nos bijoux. 

Et avec vos clientes, également ?

Quand on regarde nos clientes, on se rend compte qu’il n’existe pas « une seule » femme Boucheron. Mais si elles sont toutes différentes, elles partagent un grand point commun. Celui d’aimer les bijoux pour les bijoux, d’aimer les porter. Elles vont aimer les belles pièces, ce qui tombe bien puisque nous aimons chez Boucheron aller assez loin dans la création ! Cela cadre tout à fait avec mes intentions créatives et les valeurs que je défends : l’émotion, l’authenticité et la créativité. Il ne s’agit pas de vendre de l’or et des diamants, mais bien une pièce originale que nos clientes auront plaisir à porter.

Quelles en sont les implications pour votre démarche créative ?

Je souscris tout à fait à la phrase de Frédéric Boucheron : « Je propose, je n’impose pas ». De toute manière, la prescription traditionnelle est de moins en moins acceptée, dans le Luxe en général et la Joaillerie en particulier. J’encourage à casser certains codes de la Haute Joaillerie, à tourner le dos à un certain académisme. Il doit désormais être possible de mélanger de la haute joaillerie et de la joaillerie simple, de combiner différentes collections, de porter ses bijoux de la manière que l’on souhaite. Le nouveau collier « Jack de Boucheron » est un bon exemple : c’est un bijou modulaire, avec un fermoir en forme de jack audio, très simple à manier et à combiner. On peut le porter comme on veut ! En collier court ou long (en en combinant plusieurs), en bracelet, voire même en ceinture. C’est une question de liberté.

Comment conciliez-vous l’esprit de la Maison Boucheron et un nécessaire besoin de modernité ?

Je ne m’impose pas d’être moderne… Car Boucheron a toujours été moderne. Lorsqu’on regarde les archives, cette Maison a toujours été en avance sur son temps, aussi bien dans les dessins que dans l’usage de la technique ou des matériaux. Certaines de mes pièces préférées ont été inventées par Frédéric Boucheron ! Il s’inspirait beaucoup de la nature. J’ai regardé comment il a travaillé ce thème, notamment pour créer les premières pièces évoquant le lierre. J’ai constaté qu’il avait essayé d’être le plus réaliste possible, avec les moyens techniques dont il disposait. Avec la collection « Nature Triomphante », conçue pour les 160 ans de Boucheron, nous avons repris cette idée et l’avons poussée le plus loin possible. Nous avons reproduit des fleurs au plus près de la réalité, avec les moyens d’aujourd’hui. Au final, esthétiquement, les pièces d’aujourd’hui ne ressemblent pas à celles d’hier, mais la même philosophie sous-tend les collections. C’est cette philosophie que l’on retrouve au 26, place Vendôme.

De quelle liberté jouissez-vous au sein de la Maison ?

Elle est exceptionnelle. Le développement de la collection « Nature Triomphante », avec tout le travail de recherche impliqué, a représenté un investissement très important, sans certitude sur le résultat. Hélène Poulit-Duquesne m’a donné carte blanche. Elle est en quête d’authenticité et soutient ma liberté de création. Cette philosophie correspond bien à Kering, un groupe très humain, qui accorde une importante liberté aux créateurs. Il existe une vraie dynamique vertueuse et un alignement entre la philosophie de Kering, l’esprit et l’identité de Boucheron, l’ambition portée par Hélène, ma démarche créatrice et, bien entendu, nos clientes !